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wolof mandinka

Kémo Touré (Kéra Kunda)

Le doyen du village
2009-08-22

Voici quelques paroles confiées par le doyen du village de Kéra Kunda:

"Nous les vieux, ce que l'on peut dire pour notre part... (Rire) nous, ce que l'on peut dire, c'est ceci: du temps de nos pères et grand-pères, ce qui était en vigueur, c'était le respect et l'écoute des anciens. Parce que si tu ne les écoutais pas, tu ne pourrais pas connaître leurs vœux pour ta vie et ils ne te feraient pas part de ce qu'ils voyaient. Si tu ne respectais pas cela, personne n'allait te respecter et t'écouter. Et pourquoi les gens n'allaient pas t'écouter? Parce que toi qui n'as jamais écouté les anciens, tu n'auras rien à partager. Tu ne pourras rien leur apprendre ni leur raconter. C'est comme ça, il faut respecter et écouter les autres pour qu'ils te respectent."

"C'est vrai, nous étions là avec nos pères et grand-pères. Ils veillaient sur nous jusqu'à ce que nous soyons capables de comprendre ce que sont un et deux. Eux, lorsqu'ils ont quitté ce monde, c'est nous qui avons pris leur place et d'autres viendront après nous pour nous remplacer. Donc puisque c'est ainsi, un village c'est "la rencontre des voix" (dans le sens de l'union et de l'entente) qui doit gouverner et le faire vivre. S'il n'y a pas la rencontre des voix dans un village, il ne sera jamais équilibré. Aujourd'hui, quelqu'un dit ceci, demain, un autre dit cela, après-demain, un autre dit encore cela... quand ils se rencontrent, ça n'ira jamais bien. Il faut qu'ils se retrouvent autour d'une parole qui soit constructive pour le lendemain."

Lamine: Quel événement vous a beaucoup marqué dans l'histoire du village? Un événement que vous n'avez jamais oublié.

Kémo Touré: Il y a eu une année où les récoltes avaient été très abondantes. On récoltait, on récoltait, on récoltait... même si toi tu ne l'as jamais vu, je suis sûr que tu as entendu parler de cela. On récoltait les céréales jusqu'à ce qu'on ne sache plus où les stocker et qu'on en laisse dans les champs. Tout ça, je l'ai vécu ici. Je l'ai vu de mes yeux, ici à Kéra Kunda. Et il y a eu une autre époque qui est arrivée où on n'avait presque plus rien. A tel point que les gens étaient désespérés. Les choses de la vie, c'est toujours le changement, le changement, le changement... Les difficultés surviennent, tout comme les facilités. On est entré dans toutes ces époques-là et on en est ressortis. Dieu a fait qu'on en soit ressortis en paix jusqu'à ce qu'on entre dans ce jour présent.

Aujourd'hui tout comme demain et après-demain, si tu dis que Kéra Kunda n'a pas son pareil ailleurs dans le Pakao, tu te trompes peut-être mais il n'y a pas beaucoup de lieux comme ça. Ici, si une difficulté s'approche du village, tout-le-monde se lève ensemble. On ne laisse jamais un problème dans les mains d'une seule personne. On ne se moque pas d'une personne qui se trouve dans une difficulté. Ca se passait ainsi avant et jusqu'à nos jours, il y a des gens qui sont derrière nous pour nous soutenir.

Lamine: Qu'est-ce qui est le plus important pour vous dans la vie?

Kémo Touré: Je pense que ce qui compte le plus, c'est la conscience: l'esprit qui est avec l'humain. Et ce qui est important, c'est l'être humain. Si l'être humain n'avait pas l'esprit pour lui permettre de se perfectionner, il régresserait. Quelle que soit la personne, si elle a cette conscience en elle, même si elle ne devient pas quelqu'un d'extraordinaire, elle ne restera pas dans l'ignorance. Elle n'entrera jamais dans un chemin si obscure qu'elle ne trouvera pas de lumière. Et elle ne laissera pas non plus les autres autour d'elle dans l'obscurité. Etre un humain ce n'est pas léger.


2009-08-22

Le 27 juillet 2009, Lamine et Estelle s'entretiennent avec Kémo Touré, le doyen du village de Kéra Kunda. Il leur dévoile quelques unes de ses sagesses et leur partage sa vision du monde.

Lamine: Quel est votre nom?
Kémo Touré: Là où je suis, je m'appelle Kémo Touré

Lamine: Connaissez-vous votre âge?
Kémo Touré: (Rire) Voici ce que je peux te dire: tu connais le président qu'on appelait Blaise Diagne? Quand il est décédé c'était en mille neuf cent combien? Celui-là je l'ai vu et quand je l'ai rencontré, j'étais déjà bien adulte. Il y a même quelqu'un de ce village qui m'a dit, et c'était il y a plus de dix ans, que Blaise Diagne était décédé il y a septante-quatre ans. Je te laisse faire le calcul pour trouver à peu près mon âge. Si tu penses à quatre-vingt-dix ans, c'est plus, plus! Les gens du village qui te disent que j'ai plus de cent-dix ans, moi je sais que j'ai plus de cent-dix ans. Ca, je peux te le dire.

Origine: Je viens du kabiro (groupement de familles) des Touré. Je ne sais pas comment les Touré sont arrivés au village mais comme on le racontait devant moi, ils venaient tous du Gabou. Notre ancêtre gabounké était un marabout. Il se déplaçait de village en village pour enseigner et il est arrivé ici.

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