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wolof mandinka

Mamarang Seydi, dite Mama (Kéra Kunda, Casamance)

Mama
2009-07-03

Mama est née à Katong en Gambie mais elle a grandi à Diareng, dans la région de Pakao, en Casamance. Elle s'est mariée à Kéra Kunda, où elle vit encore actuellement.

Lamine: Mama, parle-nous des contes.

Mama: C'est quand j'étais jeune que les contes avaient le plus de force. Avant, on pratiquait la culture "wamido": les femmes plantaient des tiges de riz où il y avait de l'eau douce, lorsque le fleuve était en crue. Durant la période où elles faisaient ce travail, le riz était encore fragile et si quelqu'un demandait à ce qu'elles racontent une histoire, elles refusaient car cela pouvait faire mourir les pousses de riz. Elles disaient que les mystères de la nuit allaient peser sur les feuilles et que le riz ne pourrait pas pousser.

A l'époque où on cultivait le coton, il y avait une activité que l'on appelait "kutandi wurundo". Les femmes prenaient les touffes de coton qui étaient sur la plante et elles les séparaient des graines. Ensuite elles utilisaient un outil de bois appelé "kalo", qui servait à peigner les touffes de coton pour les démêler. Lorsque le coton était démêlé, elles pouvaient le travailler. Elles prenaient dans leurs mains des petites quantités de coton et les roulaient sur leurs jambes pour en faire des cordons puis des fils plus fins. Le chef de canton distribuait des graines de coton dans les villages mais pas beaucoup. Pour en avoir suffisamment, on allait aussi vendre du poisson séché à Foula Dou, le village des peulhs qui était éloigné et on l'échangeait contre du coton.

Les filles préparaient chacune une calebasse de coton qu'elles devaient travailler et elles amenaient ces calebasses chez l'une d'entre elles. Elles choisissaient à chaque fois une maison et elles s'y rendaient ensemble pour travailler en groupe. La fille qui accueillait les autres chez elle devait aller chercher beaucoup de bois. Dès la tombée de la nuit, elle commençait à faire du feu. Les enfants, quand ils étaient rassasiés après avoir bien mangé, se réunissaient dans cette maison. Pendant que les femmes travaillaient autour du feu, il y en avait une qui contait, puis une autre et ça continuait comme ça jusqu'à ce que la nuit soit avancée. Lorsqu'elles avaient terminé de préparer les cordons, elles amenaient leurs calebasses de coton filé chez les tisserands. C'était les hommes qui tissaient le coton pour confectionner des bandes de tissus. Ensuite, les femmes venaient récupérer ces étoffes et les amenaient chez une femme pour qu'elle les assemble et en fasse des pagnes. Chacune recevait un pagne. Ils étaient bien jolis mais t il y avait toujours des puces qui restaient dans le tissus. Même sur nos lits, on mettait des nattes confectionnées à partir de tiges de palmiers tissées, car si on utilisait les pagnes en coton comme draps, les puces allaient envahir le lit.

Tout cela faisait partie de la vie d'autrefois. Les soirs où nous ne travaillions pas, nous nous réunissions sur un mirador, sous un arbre à palabres . On allait chercher du bois et beaucoup de personnes venaient. On contait, on contait pendant des heures... Il y a des gens qui disent que dans les contes, on ne dit que des mensonges mais les histoires apportent beaucoup de joie. C'est beaucoup de joie pour les enfants et pour les adultes! Maintenant on ne conte plus aussi souvent qu'avant. Autrefois les enfants réclamaient les contes et les adultes leur en offraient parce qu'ils voyaient que ça leur plaisait. Ca nous permettait aussi de les éduquer parce qu'on leur disait: "vous avez vu ce qui est arrivé à celui-là dans le conte. Si vous faites comme lui, il peut vous arriver la même chose." A la fin du conte, on dit "Konkorong dong kos" et on dit aux enfants: "demain, si vous revenez ici, vous trouverez beaucoup de choses que vous pourrez emmener avec vous." Le lendemain dès le chant du coq tous ces enfants venaient sur la place mais ils ne voyaient rien là-bas. Ils revenaient chaque fois et ce n'est qu'en grandissant qu' ils comprenaient que ce qu'ils cherchaient se trouvait dans les histoires elles-mêmes et qu'ils les recevaient à chaque veillée de contes. On dit aussi: "demain à cette même heure, on me trouvera à la cime du fromager (arbre) du mensonge."

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