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wolof mandinka

Lamine Konté Bunda (Dakar, quartier Médina)

Konté Bunda
2009-11-21

Lamine: Raconte-nous un peu l'histoire de la kora. Parle-nous d'elle.

Bunda: La kora... Dieu lui a donné de grandes qualités !

La calebasse qui la constitue est elle-même très vertueuse. Nos ancêtres mangeaient dans une calebasse de grande taille (mirango) ou de taille moyenne (kunango). Leurs cuillères étaient fabriquées à partir de petites calebasses (kalama). Plusieurs instruments de musique traditionnelle sont constitués au moyen de cet objet. C'est le cas de la kora mais aussi du balafon ou de certains bombolongs. Autrefois, si tu te rendais chez un guérisseur qui soignait avec des racines, tu le voyais préparer tous ses breuvages dans des calebasses. Les grands animistes d'alors gardaient leur vin de palme dans ces récipients. La calebasse fait vraiment partie de notre tradition et elle est utilisée dans de nombreux domaines... on pourrait parler de ses usages jusqu'à demain et il resterait encore des choses à en dire. Elle a vraiment embellit beaucoup de choses dans notre monde et elle continue de le faire actuellement.

La kora comptait initialement entre six et onze cordes. Au fur et à mesure des compositions et de l'évolution de la musique, la kora s'est améliorée pour compter jusqu'à vingt-et-une cordes. Djali Mori Sousso de Ziguinchor fut le premier à perfectionner encore l'instrument en y ajoutant deux cordes et moi, Lamine Konté, j'ai encore poussé en ajoutant la vingt-quatrième corde. Sur ma kora, j'ai placé une corde supplémentaire en perçant un trou au milieu de la plaquette où sont fixées les cordes. Ca demande des heures d'écoute pour y arriver. Tous les éléments qui composent la kora sont des éléments morts: la peau de vache ou de gazelle, la calebasse évidée, le bois... A partir de ces éléments morts, le griot crée du vivant. Par sa musique, la kora parle le langage de l'homme.

Du Sénégal au Niger, sur tout le territoire de l'Afrique de l'Ouest, pas un jour ne se passe sans que quelqu'un ne joue de la kora. L'hymne national du Sénégal commence avec ces parole: pincez tous vos koras, frappez les balafons..." . La kora est forte! Aujourd'hui, ce n'est plus seulement les griots qui en jouent. Beaucoup de personnes font vivre leur famille en jouant de cet instrument. La kora transmet quelque chose de puissant à celui qui en joue. On dit qu'elle est habitée par des "djinns" génies.

Aujourd'hui, certains anciens morceaux se perdent parce que les jeunes ne les apprennent plus. Pour apprendre à jouer de la kora, ça peut durer sept ans et pour cela, il faut rester auprès d'un maître dans le village. Les jeunes ne sont pas intéressés à faire cet effort et ils préfèrent partir rapidement vers les villes, même s'ils ne maîtrisent pas encore ce qu'ils jouent. A la fin de mon apprentissage, j'ai vécu encore quatre ans avec mon père pour perfectionner mon art. J'allais aux champs dans son village et je cultivais la terre en remerciement pour tout ce que j'avais appris. Tous les jours, j'allais chercher du bois pour le feu. (Ce geste symbolise un apport de lumière sur l'apprentissage.) Maintenant, les jeunes préfèrent jouer pour faire danser les filles. Ils se contentent d'un ou deux morceaux. Le rythme (marqué par une baguette frappée sur la calebasse à l'arrière de la kora) devient plus important que le son de la kora lui-même. Ca fait beaucoup de bruit, les gens dansent et donnent de l'argent au musiciens, surtout à l'occasion de fêtes comme les baptêmes ou les mariages.

Lamine: Qu'est-ce qui est le plus important à tes yeux, dans la vie?

Bunda: Selon moi, ce qui compte, c'est d'être bien dans ta relation avec les autres. Les hommes sont nombreux sur la terre. Pour vivre bien dans la société, il faut avoir un comportement adéquat: il faut savoir ce que tu dis, savoir ce que tu fais et savoir ce que tu touches. Ce n'est pas facile mais si tu y parviens, tu pourras créer des amitiés, fonder une famille...

Lamine: Quels conseils donnerais-tu à tes enfants?

Bunda: Je leur dirais d'avoir de la compassion envers les autres. Je leur dirais aussi de persévérer malgré les épreuves de la vie et de rester simples. Rien n'est éternel! Il faut se dire que le bonheur, tout comme le malheur peut passer à tout instant. Tu peux faire des mauvaises actions jusqu'à neuf fois mais la dixième sera de trop. Elle se retournera contre toi. C'est ça ma philosophie de vie. Si tu restes humble et correct dans tes actes, la vie te propulsera vers l'avant mais si veux te mettre en avant toi-même en causant du tort aux autres, la vie te fera redescendre. Ca peut venir comme un gros marteau qui s'abat sur toi. Se vanter, ce n'est bon que pour les taureaux au sein d'un troupeau mais ça ne convient pas aux humains. D'ailleurs, même pour le taureau, le jour où l'homme aura besoin d'une grande quantité de viande, il se souviendra du gros taureau qui se pavanait et c'est lui qu'il tuera.

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